Marilia Destot est une artiste photographe franco-américaine.

Ses photographies ont été largement exposées, primées, publiées en Europe et aux Etats-Unis en galeries et festivals depuis 20 ans. Elle découvre le pays de ses ancêtres maternels, la Lituanie, en 2001 pour la première fois, puis y retourne et commence The Journey en 2018, elle y est invitée pour une résidence en 2019 et une exposition en 2022 dans le programme Mémoire de Kaunas, Capitale Européenne de la Culture 2022. Ségolène Brossette Galerie accueille la première exposition de l’artiste à Paris depuis 2008, dans le cadre de la Saison de la Lituanie en France, 2024.

////// Echange entre la galeriste et l’artiste ////////

D’où viens-tu?
Je suis originaire de Grenoble, j’ai étudié à Paris, et me suis installée à New York en 2006. Je suis aujourd’hui franco-américaine, avec de lointaines mais précieuses racines juives lituaniennes.

Comment es-tu devenue artiste ?
J’ai été initiée à la photographie dans le cercle familial : une enfance à jouer et poser sous l’oeil maternel, une adolescence dans les salles de cinéma et le laboratoire photo noir et blanc de la maison.

Passionnée de cinéma et de photographie, je suis partie étudier la photographie à l’ENS Louis Lumière à Paris. Je suis devenue ensuite photographe, essentiellement de portrait et de mode, tout en développant mon écriture photographique de l’intime, du temps, de la mémoire, dans des projets d’expositions, correspondances et livres.

Que souhaites-tu transmettre ?
La photographie est peut-être d’abord pour moi une écriture de soi. Je souhaite transmettre des histoires et un regard poétique sur le monde qui m’entoure. Dans mon travail personnel, je pratique la photographie comme un geste d’affection, de contemplation, d’imagination et de mémoire. L’idée de la trace, de retenir le temps qui passe, de garder et prolonger une mémoire sont devenus au fil du temps des récurrences dans mes séries photographiques.

Que cherches tu en manipulant tes tirages ?
L’altération du tirage photographique est une pratique récente dans mon travail, débutée avec The journey en 2018. Mais dont les prémices se trouvent certainement juste avant, dans la réalisation de la maquette de mon livre la promesse (éditions Filigranes, 2020). En imprimant, reliant, façonnant des carnets “maison”, j’ai retrouvé le plaisir tactile du laboratoire noir et blanc de mes débuts, c’est à dire la fabrication manuelle, lente, physique de l’objet photographique papier. Quand j’ai débuté the Journey, j’étais face à une série de paysages de Lituanie photo- graphiques vides, et j’avais envie d’y faire apparaitre ma famille, des présences. Je ne voulais pas faire de montages ou de diptyques comme je les ai souvent pratiqués. Je voulais une technique nouvelle, et je me suis essayée au piquetage, soit le dessin de silhouettes , visages ou présences, par la perforation à l’aiguille fine du tirage photographique. Une fois la photographie rétro éclairée, le dessin lumineux apparait dans le paysage, et l’idée de la trace visible – seulement si on fait l’effort de la mettre en lumière – m’a semblé être belle et juste dans mon récit. En réalisant ce travail, je m’éloignais un peu de l’ordinateur omniprésent et chronophage dans ma vie de photographe, et retrouvais le plaisir d’une pratique d’atelier manuelle, ludique, expérimentale. Je retournais un peu sur les traces de l’enfance , redécouvrant la magie de la photographie, quand dans le bain du révélateur l’image remonte à la surface.

Ensuite j’ai développé l’idée du portrait collage, portrait multiple, portrait déchiré, découpé sur le paysage qui de la même façon, parle des strates du temps et de soi. Une technique simple que je réutilise aujourd’hui dans ma série Memoryscapes. J’ai très envie de continuer cette exploration du tirage manipulé qui fait de chaque image une oeuvre unique, une expérience intuitive faite de hasards et souvent de jolis accidents.

The Journey est-il un projet au long cours comme tes autres séries familiales La promesse ou l’empreinte ?
The Journey est le récit multiple de ma famille maternelle, et en effet un récit que j’imagine en plusieurs chapitres, le premier étant consacré aux origines lituaniennes. Le prochain chapitre se déroulera certainement en France, avec une autre enquête consacrée à ma grand-mère que je n’ai pas connue mais dont je porte le 2ème prénom: Rachel. À suivre…